Chronique

La saison est un échec

C’est tellement facile de faire porter le blâme à Carey Price après le revers d’hier. Oui, il aurait dû faire l’arrêt sur le premier but des Rangers, celui qui leur a donné des ailes et qui a donné le ton au reste du match. Mais mettons-nous à sa place un moment : le gardien du Canadien a une pression inimaginable sur les épaules. Tout ça parce que son patron, le directeur général Marc Bergevin, n’a pas compris l’urgence de trouver du renfort offensif de qualité.

Dans le hockey d’aujourd’hui, ce n’est plus vrai que seules les défenses gagnent des championnats. Il faut de l’attaque aussi, du flair autour du filet adverse. Le Canadien en manque atrocement. Ce qui oblige Price à être presque parfait en séries éliminatoires. Sinon, le CH n’a aucune chance de s’imposer.

On a d’ailleurs vu le catastrophique effet du premier but des Rangers sur le moral du Canadien. L’équipe a perdu tout son entrain, comme si elle venait de recevoir un violent jab au visage. Nous n’en étions pourtant qu’au début de la deuxième période. Mais le choc psychologique a été immense. Les Rangers ont senti le désarroi de leurs adversaires et, dès ce moment, l’affaire était pour ainsi dire entendue.

Peu importe l’analyse qu’en feront les dirigeants cette semaine, peu importe la manière dont ils voudront nous faire croire que l’équipe a fait d’immenses progrès après avoir été exclue des séries un an plus tôt, la saison du CH est un échec.

Alex Galchenyuk n’est pas devenu l’attaquant dominant qu’on espérait. Max Pacioretty a été incapable de surmonter la pression des séries éliminatoires. Et l’échange Weber-Subban, qui devait faire du CH une meilleure équipe, n’a pas donné les résultats espérés. L’ambiance a sans doute été meilleure dans le vestiaire. Mais au bout du compte, n’oublions pas ceci : le CH est allé plus loin en séries en 2014 et en 2015, lors de ses deux dernières participations, alors que Subban était un joueur clé.

La créativité offensive et la manière de relancer l’attaque du numéro 76 n’ont jamais été comblées. Oui, il était parfois imprévisible, comme Price l’a dit après la transaction. Mais j’ai comme l’impression que les Rangers n’ont pas détesté affronter un CH tellement prévisible au cours des derniers jours.

Le Canadien a de nombreux autres problèmes. Des problèmes que l’embauche de Claude Julien, qui a fait du bon travail avec les éléments qu’il avait sous la main, n’a pas permis de résoudre.

Un des plus importants concerne le leadership. Voyez ce que disait Brendan Gallagher, jeudi, en évoquant le match d’hier : « On va en apprendre beaucoup sur notre groupe, sur notre caractère. […] J’ai bon espoir qu’avec notre groupe, on pourra revenir en force dans le sixième match. »

Eh bien, non. Le CH n’est pas revenu en force. Il faut en tirer les dures conclusions qui s’imposent.

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Comment Geoff Molson réagira-t-il à cette élimination trop rapide ? Il donnera sûrement un vote de confiance à Bergevin, qu’il a souvent qualifié d’un des meilleurs DG de la LNH. Alors souhaitons que celui-ci écoute ce que Claude Julien lui dira au cours des prochaines semaines.

Le nouveau coach du CH, qui possède une immense expérience, pourra jeter un regard frais sur l’ensemble de l’organisation. Je suis convaincu qu’il passera ses messages très clairement. Souhaitons qu’il soit écouté.

Le plus important dossier du DG sera celui de Price. Le contrat du meilleur joueur de l’organisation viendra à expiration après la prochaine saison. Mais il pourra être renouvelé dès le 1er juillet.

Price a tout gagné ou presque dans sa carrière, sauf une Coupe Stanley. Croit-il pouvoir accomplir cet objectif à Montréal ? Si oui, il acceptera de s’engager à long terme avec l’organisation. Dans le cas inverse, il choisira peut-être de patienter et de voir quelles offres il recevra à l’été 2018. Ce qui enverrait un très dur message à l’organisation et minerait d’avance la prochaine saison.

Cela dit, Bergevin devra aussi se demander si la théorie qu’il a si souvent défendue (« Aussi longtemps que tu as Carey Price, tu as une chance ») est toujours valable. Le gardien n’a pas été mauvais contre les Rangers. Mais ce ne fut pas suffisant.

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Le Canadien est une équipe dont les meilleurs joueurs sont vieillissants. Cette année perdue se paiera chèrement. Nous sommes loin ici du potentiel des Maple Leafs de Toronto et des Oilers d’Edmonton, qui pourraient dominer la LNH durant plusieurs saisons.

Alors, que sera le plan du CH pour espérer remporter une Coupe Stanley ? Chose sûre, les fans en ont assez d’attendre. Geoff Molson, toujours à l’affût des réactions des partisans, doit sûrement comprendre ce vif sentiment d’impatience. Cette année, les huées ont été beaucoup plus fréquentes au Centre Bell.

Les amateurs ont fait confiance à l’organisation depuis 2012. Mais cette relation est en train de s’effriter. Il faudra leur redonner espoir, et cela, de manière concrète. Les beaux discours et les commodes excuses ne sont plus suffisants.

En avril dernier, la direction du CH nous a dit avoir beaucoup « appris » de la déconvenue de l’an dernier, tout en ajoutant que sans la blessure de Price, la situation aurait été très différente. Eh bien, Price était en parfaite santé cette année. Oui, le CH s’est qualifié pour les séries. Mais quand le grand bal du printemps a commencé, l’équipe a vite quitté la piste de danse.

Une immense réflexion s’impose au sein de l’organisation. Geoff Molson et Marc Bergevin auront-ils le courage de s’y plier ?

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